Seattle est au rock n'roll ce que Bethléem est au christianisme.
Spin Magazine (1992)

On a besoin qu'il arrive à nouveau quelque chose comme ça - pour changer la face de la musique. Tout de suite!
Mike Inez (Alice In Chains)

16/01/2011

Art Chantry ou l'esthétique grunge incarné

"Si Pavitt et Poneman furent les cerveaux gauche et droit du mouvement, Endino en était l'oreille et Peterson l'oeil", entend t'on dire de ci de là... J'ajouterais : "Si Peterson en fut l'oeil, Art Chantry en fut la rétine" héhé... Art Chantry fut certainement tout autant décisif que ces quatre là dans l'éclosion du grunge, de par sa contribution fantastique à l'aspect visuel de la chose. Graphiste de génie, autodidacte comme tous à l'époque, Chantry est né à Tacoma, grande banlieue de Seattle. Northwestern native, imbibé de l'esprit et de la culture bizzaroïde de la région, il a tout naturellement à ce titre intégré comme imprégné la scène locale...

Art Chantry (dans le documentaire Hype!) : C'est dans la région qu'a été créé le terme "soucoupe volante", c'est ici aussi la capitale mondiale des serial killers : on a plus de meurtriers dans le coin que n'importe ou ailleurs aux Etats Unis. La famille Manson venait en vacances ici. Cet endroit est bizarre... Tous ces facteurs ont influencé ce qui est arrivé musicalement à Seattle!

Chantry s'installe à Seattle après être sorti du collège, et, ne trouvant pas de job, finit par monter sa propre affaire. Parallèlement à ça, fait important, il est embauché en 1979 dans l'équipe d'un tout nouveau magazine musical, un gratuit totalement consacré à la musique de Seattle et de la région : The Rocket. C'est là qu'il développera son style inimitable, qu'il qualifie lui même "d'ébouriffé"... Catapulté à plusieurs reprises directeur artistique, il collaborera une dizaine d'année avec le magazine. The Rocket verra passer en son sein le gotha de la scène naissante : Bruce Pavitt, Charles Cross ou encore Matt Groening, jeune étudiant à l'Evergreen State College d'Olympia et futur créateur de la série la plus délirante au monde, j'ai nommé les Simpsons.

Art Chantry : Tout le monde détestait The Rocket parce qu'il avait toujours une attitude prétentieuse envers tout le monde. On a effacé ça de l'histoire, mais la vérité c'est que The Rocket a été un point d'information prépondérant pour le Seattle underground. Sans lui, la moitié de ces groupes ne se seraient jamais formés, parce que c'est comme ça qu'ils se sont rencontrés - grâce aux annonces gratuites classifiées au dos. Même Nirvana s'est servi de ça. Sub Pop Records a commencé en tant que rubrique dans The Rocket. Les directeurs artistiques de Newsweek, Vanity Fair et beaucoup d'autres ont commencé par bosser à The Rocket. J'en suis devenu le directeur artistique à 4 reprises. Grâce à ça, j'ai commencé à rencontrer de plus en plus tous ces gens. Tu traversais les locaux, et Kim Thayil attendait pour un rendez vous, ou Robert Crumb (dessinateur mythique de comics américain, et accessoirement l'auteur de la cover de Cheap Thrills de Janis Joplin) était là pour je ne sais quelle raison.

Depuis son arrivée à Seattle, Chantry réalise des affiches de concert pour les groupes du coin. A l'instar d'un Jack Endino, réputé pour proposer des enregistrements à moindre cout, le travail de Chantry était particulièrement apprécié par les musiciens : il convenait aux petits budgets et les demandes étaient traités rapidement. Plus subtilement, le style "fait maison", de bric et de broc, peu demandeur en technologie en tout genre (une photocopieuse fera l'affaire), et qui plus est totalement subversif, s'est avéré collé parfaitement à l'esprit de la scène locale, qui était tout faite de l'esprit DIY. Toute image trouvé au fond d'un vieux magazine ou sur une vieille pub devient exploitable avec Chantry, et se retrouve recyclée pour les bienfaits de la cause punk... Le bonhomme collaborera aussi avec le label punk garage Estrus de Bellingham (celui des Mono Men), façonnant pochettes de disques et affiches de concerts et lui permettant s'assouvir sa passion pour la trash culture des années 60.

Chantry a gagné par la suite a peu près toutes les récompenses possibles et imaginables dans le monde du graphisme à travers le globe. Une monographie de ses oeuvres a été publiée : "Some people can't surf" (par Julie Lasky) et son taf a été exposé partout dans le monde, dans nombres de musées prestigieux (joli pied de nez pour un artiste underground) dont le Louvre ou le Smithsonian à Londres. Pendant une douzaine d'années cependant, c'est dans le plus extraordinaire des musées que son travail a pu être admiré : couche après couche ont été collé sur les poteaux électriques de Seattle un nombre impressionnant d'affiches, à tel point que la ville a finit par interdire l'affichage sur poteaux, les réparateurs de lignes électriques se plaignant de difficultés à faire leur job!!!!



http://www.artchantry.com/

Pour ceux qui veulent en savoir plus sur la culture underground de l'affiche rock aux States : un docu excellent, en anglais seulement : "Died Young, Stayed Pretty", dont voici le trailer (Art Chantry y apparait) :



En Europe, un collectif italien connu sous le nom de Malleus (en fait, deux membres du groupe stoner Ufomammut), fait un travail sympa : http://www.malleusdelic.com/. C'est joli, mais on se demande parfois s'ils ne feraient pas mieux de se trouver chacun une bonne copine!!!

1 commentaire:

  1. Retrouvez Art Chantry en interview ici:
    http://crewchro.blogspot.com/2010/10/art-chantry.html
    Au passage un grand coup de chapeau à ton blog ! Formidable !!
    Signé: le man in the box

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